Un anniversaire musicalement bien arrosé !
Le temps certes maussade n’aura pas arrêté les nombreux curieux de venir admirer quelques artistes, où Bourges en transforme pendant six jours en véritable fourmilière, lançant la grande saison des festivals. Le festival, célébrant alors sa 40ème édition, n’a surtout pas hésité à mettre les petits plats dans les grands en terme de programmation. Plus de la moitié de cette dernière – 70 % – s’apprête alors à écrire le futur du paysage musical, français comme international. Notons que cette édition est également importante d’un point de vue directif, puisque Boris Vedel a pris la relève du Printemps, succédant à Daniel Colling, co-fondateur du festival et directeur depuis ses débuts en 1977 jusqu’à l’été dernier.
La rédaction des Insouciants a sélectionné quelques moments mémorables de cette 40ème édition, entre ïNOUïS, découvertes et artistes bien installés dans le monde musical.
De la grâce, du frais et du bon !
Nos aventures au Printemps commencent alors dès jeudi en fin d’après-midi. Le temps de récupérer notre précieux sésame qu’on prend rapidement la direction de l’Auditorium pour voir Lola Marsh. La salle est pleine à craquer, la plupart venant alors pour La Grande Sophie. Le duo israélien a donc la lourde tâche de captiver l’audience, trop timide par certains moments. Yael Shoshana Cohen, la charismatique et gracieuse chanteuse de la formation, n’hésite pas à briser la glace en plein live. Exemple avec le titre You’re Mine, où cette dernière demande au public si le petit-déjeuner est difficile à digérer, les invitant à taper dans leurs mains. Sur une sobre prestance, Yael, Gil et leurs musiciens dégainent une pop malicieuse et évasive, avec une énergie éclatante.
Entre deux sessions de danses endiablées le jeudi au 22 Ouest, nous ne devions manquer sous aucun prétexte Oh Wonder : ce duo britannique fait des émules dans le monde entier depuis la parution de leur premier LP l’année dernière. Décor comme musique, tout est minimal et doux. Joséphine et Anthony assurent, en toute sobriété. Autre beau moment, toujours à l’Auditorium mais cette fois-ci le samedi : il s’agit d’Ala.Ni, cette petite protégée de Damon Albarn avec sa voix pure et enchanteresse qu’elle a déjà tout d’une grande. Elle fait de cette salle un écrin si luxueux et si doux, où le cappella de son chant merveilleux se concile à un son jazz marqué et mystérieux. D’une simplicité, elle se sent libre comme l’air, tout en montant les marches de l’Auditorium pour chanter, sans micro, et transmettre des émotions si nobles.
Essence rock UK
Le vendredi soir au 22 Ouest, place à une soirée gorgé de rock venu d’outre-Manche ! Au programme, trois espoirs aux guitares rugissantes et aux caractères déjà bien trempés. Broken Hands est alors le premier groupe à monter sur scène. Un premier album publié l’année dernière, les originaires de Canterbury réunissent leurs tripes pour livrer un show tenant la route. Pour nous, c’est plutôt l’inverse : le décor solaire, quelques mélodies de feu… mais il manque un petit quelque chose pour une prestation de fou, emportant la foule en délire entre pogos et danses. Ce détail va se retrouver direct lors du live de Vant. Un mélange rock grungy et sauvage comme on les aime. Mattie, le chanteur, est une véritable pile électrique du début à la fin : la température monte facilement grâce à eux. C’est surtout une soirée marquante pour le groupe venu de Newcastle : ils donnent leur premier concert dans l’Hexagone, autant dire qu’il fallait le fêter dignement. L’audience accroche de ce pas, et la proximité entre ce dernier et les musiciens est facilitée. Mattie n’hésite pas alors à descendre de scène, à mettre le bordel comme il se doit. Sûrement un des nos meilleurs moments du festival, en comptant également la performance de Black Honey. Ça swingue, ça sent les sixties à plein nez. Actuellement en pleine émergence, le quatuor de Brighton mené par la charismatique Izzy Baxter sait qu’il ira loin. Une présence scénique importante conjuguée de petites pépites rock énervées et douces, comme si Lana Del Rey avait croisé la route de The Kills.
L’ouverture au voyage
Malgré les concerts payants, la programmation gratuite – IN comme OFF – propose des concerts attrayants, comme c’est le cas avec la scène Pression Live. Entre un espace de dégustation de bière au citron sans alcool et un stand de burgers, c’est sous une ambiance couverte et bon enfant qu’on retrouve les Heymoonshaker. Et depuis notre dernière fois à Roubaix, Andy et Dave n’ont pas perdu de leur superbe. Leur album Noir se porte bien : raison de plus de tenir à une bonne prestation, ponctuée de petites blagues et de bonnes ondes. Et le lendemain, on s’envole (virtuellement !) en Lituanie, avec le normand NORD. Sélectionné dans le cadre des ïNOUïS, Xavier Feugray et ses musiciens nous mettent d’accord en live malgré le set court de 30 min. Débutant avec le puissant et tubesque L’amour s’en va, la communication entre le groupe et le public est d’ailleurs très bonne. Et on est complément sur le charme de Drunk, cette mélodie pop-électro prenant alors une autre dimension.
La reine des ïNOUïS
La parisienne Fishbach marche désormais sur les traces de Christine and The Queens ou Feu ! Chatterton. Elle est la lauréate du prix des ïNOUïS cru 2016 au lendemain d’une prestation époustouflante et méritante, parmi 31 autres noms. Seule sur scène, un laptop et une guitare, sa voix ensorcelante et son corps au centre d’une audience nombreuse. Et Flora donne de sa personne, de son talent, en danse et en ténacité. Comme si Christine rencontre l’ombre de Shirley Manson une fois la guitare saisie, comme si la new-wave française s’amuse avec les chants crépusculaires, le temps d’un vendredi après-midi couvert.
« Elle a mordu l’oreiller comme si c’était un cheesecake » Nekfeu, Égerie
La foule n’est malheureusement pas au rendez-vous pour Tkay Maidza, le jeudi soir au 22 Est. Comme la curiosité est souvent une bonne qualité, on décide d’y jeter un coup d’oeil. Et autant dire qu’elle envoie du bois en live. La rappeuse originaire du Zimbabwe fait alors concurrence à la soirée urbaine au W, donnée à quelques centaines de mètres plus loin. Seule avec un DJ, son flow occupe le trône principal, à mi-chemin entre la sucrerie pop et la tempête. Au W, c’est un tout autre monde. Les teens attendent avec une très grande impatience Nekfeu, on patientera avec Vald, ce phénomène des Internets acclamé tel le king à son arrivée. La soirée risque bien d’être survoltée. Et atteindra des sommets quand l’interprète de On Verra débarque à son tour, dans une scénographie qu’on repassera. Il faut noter l’ambiance, mille fois plus bouillant qu’au Palais d’Auron : ça pogote, ça pousse et ça hurle les putchlines de Princesse.
Dance with your shoes !
Le jeudi soir, la (future) superstar de la pop-disco grecque Monika met le feu à un 22 Est, aux mélodies implacables et terriblement efficaces. La salle se transforme alors en véritable piste de danse des seventies, où l’ambiance est à son comble une fois les premières notes de Secret In The Dark retentis. Quelques temps après, Naïve New Beaters prend le contrôle de la même salle, sous les yeux bienveillants de groupies squattant le premier rang. Entre exclu du nouvel album et hymnes bien connus, Izia fait même une petite apparition pour le pop banger sucré Heal Tomorrow. Changement d’ambiance avec Super Parquet le lendemain après-midi : il paraît que la musique traditionnelle auvergnate (mélangé à l’électro) n’a pas encore dit son dernier mot. Et quel set de fou, tiens. C’est entêtant, nous sommes presque tenté de faire notre baptême en bourrée auvergnate : on retrouve certains festivaliers la danser aisément.
Puis arrive le soir Mansfield.TYA, ce concert dont on a tellement hâte d’y assister. Dommage qu’il se déroule à l’Auditorium, dans une configuration assise : pas trop pratique pour se déhancher légèrement sur quelques titres de leur dernier album. Julia, chanteuse et guitariste rugueuse (également voix des Sexy Sushi), lance au public au beau milieu du set : « Vous vous amusez comme des oufs ?« . Mais la claque survient rapidement : c’est rebelle et somptueux. Le violon de Carla sublime l’ensemble, crée une connexion intense : une bulle d’air dans un monde sombre et sobre.
Le Printemps de Bourges ne serait pas le Printemps de Bourges sans sa fameuse Rock n’Beat du samedi soir ! C’est le moment où jamais d’en faire une, à danser comme si demain n’existait pas. On commence avec les Griefjoy, venus présenter en live leur nouvel album fraîchement arrivé dans les bacs, plus électro et dansant que jamais. On aime beaucoup la scénographie, entre lumières et vidéos, collant bien aux nouvelles compositions d’un groupe qui s’est renouvelé et métamorphosé. Et La Femme prend alors la relève, toujours aussi éclatants de beauté. Petit avant-goût de leur second album à venir bientôt, entre les futurs tubes Elle ne t’aime pas ou Sphynx et les désormais classiques Sur La Planche ou Nous Etions Deux, sous une ambiance tropicale intérieure (c’est autre chose à l’extérieur…). Sous une averse pluvieuse, on rejoint le Palais d’Auron difficilement, et on arrive en plein set ténébreux et ô voyageur de Thylacine. Malgré quelques bugs, l’angevin nous amène dans un Transsiberian toujours avare en découvertes, à la scéno pointue et folle.
The Shoes donne alors à la Rock n’Beat l’infernal et déjanté tempo : des sueurs, des vidéos « comment cuisiner les chatons ? » diffusés sur écran, entre un Michael Jackson transformé avec les logiciels de vieillissement, Nabilla et Dawson, un Time To Dance comme final explosif et un Chickenzilla surexcité lors de son apparition pour 1960’s Horror. C’est chaud, la température montre d’un cran : les choses sérieuses peuvent commencer. Elle ne fait que s’intensifier avec Club Cheval : l’ambiance devient alors ultra cosmique. Leur premier album sorti récemment sonne très 00’s electropop radio-friendly, ce set live le prouve bien : c’est pêchu, un peu R’n’B, un peu fancy mais tellement bon. La Rock n’Beat, c’est également l’occasion de se dire YOLO et de tenir jusqu’à 4h du mat’, soit d’engloutir un sandwich jambon-beurre entre deux sets à 3h. De danser avec des sosies de Batman sur les sets électrisants de Lost Echoes ou Marek Hemmann sous les spotlights et boules à facettes, de voir pas mal de ballons licornes et Minons embellir la salle, de se poser un peu dans les gradins, mais aussi d’admirer la scénographie de Ben Klock telle une oeuvre d’art contemporaine.
Autant dire que nous risquons d’y remettre ça l’année prochaine : ce sera du 18 au 23 avril 2017 et nous avons bien hâte de retourner à Bourges.
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