[Interview] Excursion dans l’univers de Simon

De la musique folk à l’electro, en passant par un groupe parodique de metal, on ne connaît Simon qu’à travers ses nombreux projets musicaux et diversifiés. Originaire de Picardie et installé à Paris, ce passionné de musique nous a donné rendez-vous à la terrasse d’un café avec son complice musical, Raphaël, pour évoquer son travail, ses expériences et influences, cultivés au cours de ses vingt-deux dernières années.

Retour sur un parcours musical inépuisable, varié et empreint de curiosité…

DSC_0264(C) PHOTO : JULIETTE POULAIN

Simon – On a commencé avec un truc qui s’appelait Dolores. Raphaël était chanteur, il jouait des claviers et de la guitare. Je jouais également de la guitare, je chantais un peu pour faire les choeurs et je m’occupais de la programmation. Après, il y a eu une période où l’on ne s’est pas beaucoup vu, donc j’ai commencé à faire des choses à part. J’ai fondé Minus Clay, un projet folk. J’avais peu de matos pour enregistrer donc c’était surtout des trucs acoustiques. Pendant ce temps-là, Raphaël faisait de l’electro sous le nom de The Darkened Escape. Après, j’ai aussi fait de l’electro, mais sous un autre nom, #2 Orchestra. C’est le truc qui marche le mieux parmi tout ce que je fais. Avec Raphaël et Jean-Philippe (guitariste de Death By Shipwreck, ndlr), on avait aussi créé un groupe parodique de metal parce qu’ils sont de gros fans de metal et moi beaucoup moins ! A l’époque, il y avait plein de groupes qui s’appelaient Emperor ou Survivor, donc on s’était appelé Kastor. Au départ, c’était vraiment du grand n’importe quoi. Et puis, après, on est devenu un peu plus sérieux. On a aussi remarqué que le nom Kastor était déjà pris par un boys band hongrois donc on est devenu Death By Shipwreck. Ce projet, c’est principalement Jean-Philippe et moi, mais Raphaël a participé à l’album de remix, qui s’appelle Shipwrecked by Death, qu’on a fait tous les deux. Et là, je continue avec Jean-Philippe, qui est une sorte de guitar hero inconnu (rires). On fait des morceaux plutôt instrumentaux et improvisés.

Les Insouciants – Il n’y a aucune trace d’un de vos concerts sur le web, vous n’en faites pas ?

Simon – On n’a jamais vraiment réussi car on n’a pas de batteur, ni de bassiste. En plus, on joue beaucoup d’instruments en même temps. Et, surtout, avec un guitariste en Suisse et un à Paris, c’est pas facile… On y a vaguement réfléchi mais trouver des musiciens qui seraient prêts à jouer du metal parodique, c’est pas facile non plus ! Surtout à partir d’un groupe de metal qui n’en est pas vraiment un… Donc c’est en partie pour ça qu’on n’en fait pas. C’est surtout un projet entre nous. Un projet de studio. On a fait un concert, une fois, avec Dolores

Raphaël – Ouais c’était en 1998 !

Simon – Ça date, c’est vieux… Mais musicalement, on vivait la meilleure époque…

Raphaël – C’était un concert dans un petit pub de Pont-Sainte-Maxence (Oise, ndlr). On jouait sur une toute petite scène en angle, et il n’y avait que dix personnes. Et encore, dix personnes parce que c’était des ami(e)s à qui on avait demandé de venir ! Sinon jamais personne n’est rentré dans le pub pendant qu’on jouait…

Simon – Tu vois, c’est moi qui suis pas censé dénigrer et c’est lui qui dit ça ! Moi, j’allais dire qu’on avait un public en furie et tout… (rires) Non, je sais pas, les concerts…

Raphaël – Ça nous a tentés, quand même !

Simon – Ouais, on a essayé un peu. Je faisais partie d’un projet avec un ami qui, pour le coup, voulait vraiment faire des concerts. Mais ça ne s’est pas fait parce que notre ami était devenu un peu dictatorial…

Raphaël – Ce qui est dommage ! Il nous avait présentés un batteur avec qui ça se passait vachement bien lors des répétitions en studio. Il y avait donc ce fameux batteur, Simon à la guitare, moi j’étais au clavier et cet ami, qui était au chant et à la guitare. Il faisait des enregistrements très carrés, toujours au clic près. Sauf qu’à certains moments, avec Simon et notre batteur, on faisait partir les morceaux en improvisation totale et ça fonctionnait super bien ! On s’éclatait comme des malades, on terminait l’impro et là, notre chanteur nous disait que ce n’était pas assez carré. J’ai toujours pensé qu’il y avait un potentiel énorme pour la scène, avec l’improvisation, mais cette liberté d’improviser était complètement restreinte par le fait de vouloir être trop carré.

Simon – On devenait un peu des logiciels de musique. Lui, il faisait la musique sur son ordinateur et on devait le suivre. Par exemple, il imposait au batteur de jouer avec un casque, il était au clic près, pour être parfaitement dans le ton.

Les Insouciants – Par conséquent, ça devait être difficile d’entretenir un groupe dont l’un des membres, à savoir le chanteur, s’imposait pour diriger et prendre la grosse tête…

Simon – Nous, ça va, on l’a pas trop prise ! (rires)

Raphaël – Dans ce cas-là, c’est frustrant parce que tu sens qu’il y a un potentiel énorme, mais il est étouffé par quelqu’un qui cherche à reproduire parfaitement les morceaux qu’il a composés sur son album. Alors qu’en concert, il y a moyen de tout lâcher, de se libérer, de se faire plaisir. C’est le but du live ! Mais là, non, c’était fermé par quelqu’un qui voulait simplement reproduire note par note ses propres morceaux…

Simon – En fait, si on passait une heure en studio, il passait une demi-heure à régler le volume de son micro pendant qu’on le regardait. C’était pas très positif comme expérience. Et pour en revenir aux concerts, quand on a commencé, vers 1995, en Picardie, il n’y avait pas tant de salles de concert… Il y avait des pubs mais fallait faire des reprises. Ce qui marchait bien c’était la fusion metal, en gros, c’est du faux Red Hot Chili Peppers. Nous, on voulait faire du rock indé, et c’était absolument pas connu, absolument pas populaire. C’était aussi très difficile de trouver des musiciens en Picardie, à l’époque.

« On n’exclut pas les concerts, cependant, c’est assez difficile de rejouer nos morceaux en live parce qu’on rajoute plein d’instruments, plein d’arrangements et qu’on est seulement deux ou trois. Il y aurait peut-être un moyen de faire un truc folk à deux… J’aimerais beaucoup faire des concerts avec Simon. »

Raphaël

Les Insouciants – Et aujourd’hui, vous n’auriez pas envie de retenter l’expérience live ?

Raphaël – Je pense qu’il nous est souvent arrivé de nous dire qu’on aimerait bien faire des concerts. On n’y est pas totalement fermé. Bon, il va te dire qu’on a 40 ans, qu’on est trop vieux pour en faire… (sourire)

Simon – Mais non, non ! Non, j’ai pas dit ça…

Raphaël – Après, il faut trouver où et il faut se dire qu’on y va, on se lâche. C’est certainement pas aujourd’hui qu’on va commencer une carrière, mais on peut au moins le faire pour le plaisir. On n’exclut pas les concerts, cependant, c’est assez difficile de rejouer nos morceaux en live parce qu’on rajoute plein d’instruments, plein d’arrangements et qu’on est seulement deux ou trois. Il y aurait peut-être un moyen de faire un truc folk à deux… J’aimerais beaucoup faire des concerts avec Simon.

Simon – On n’a jamais pris le temps de répéter non plus. On enregistrait les morceaux et deux mois après, on ne savait plus les jouer ! Pour Death By Shipwreck, je pense qu’il n’y aura pas de concerts.

Les Insouciants – Peut-être parce qu’avec Death By Shipwreck, tu fais beaucoup de morceaux instrumentaux qui se prêtent moins à la scène ou qui sont destinés à un public plus restreint. D’ailleurs, le fait qu’il n’y ait pas de paroles, est-ce une volonté ?

Simon – Si, il y a des paroles sur les deux premiers albums, mais pas sur le dernier. Quand on enregistre avec Death By Shipwreck, c’est en Suisse, sur quatre jours seulement, donc on n’a pas forcément le temps de penser aux paroles.

Les Insouciants – Tu ne ressens peut-être pas tout le temps le besoin de poser des paroles sur ta musique ?

Simon – Sur Scraps of Metal (le dernier album de Death By Shipwreck, ndlr), ça n’aurait pas collé, je pense. Comme on est plus ou moins dans le metal, il faudrait écrire des « paroles metal » avec des dragons, Satan et tout, c’est pas trop mon truc. On s’est amusé à le faire, ça allait bien avec Kastor ! Mais, maintenant, le projet est plus sérieux donc ça ne fonctionne plus. Et si tu fais d’autres paroles, il y a trop de décalage avec l’idée de base.

Les Insouciants – Est-ce qu’on peut alors considérer que c’est faire de la musique pour la musique elle-même ?

Simon – C’est pour la musique, ouais. On aime beaucoup le post-rock. Je pense à des groupes comme Mogwai ou Godspeed You Black Emperor. Ce sont des groupes de musique instrumentale qui ont explosé dans les années 2000, et ça donne des concerts intéressants mais c’est pareil, il faut apprécier. En général, il y a des images diffusées en fond de scène, des vieux films en Super8, des choses comme ça. Ça peut être super bien ! Mais, encore une fois, on est confronté à la difficulté suivante : trouver des musiciens.

Les Insouciants – Et tu as des retours de gens qui écoutent ta musique ?

Simon – Avec Death By Shipwreck, on plaît aux gens qui aiment bien le metal mais qui aiment aussi le rock indé, les trucs mélancoliques et, qui, en même temps, s’en fichent un peu de la technique… Donc grosso modo ça plaît à trois personnes dans le monde ! (rires)

En revanche, pour le projet #2 Orchestra, j’ai eu pas mal de retours et je touche même de l’argent dessus. En fait, j’ai tout posté sur le site Jamendo et j’ai donné une licence pour que mes musiques soient utilisées dans des bars, ou pour des ambiances. Et comme c’est de l’electro très calme, ça a justement été utilisé dans des bars et je touche de l’argent à peu près tous les trois mois. J’ai même été contacté par un label pour ça. Mais il m’a demandé de faire des concerts. Et, pour moi, les concerts d’electro, c’est le mec derrière son ordinateur (il mime le DJ) qui fait « Allez hop ! » et je me voyais pas faire ça, c’est pas du tout mon truc. On avait même été convié à un festival, dans le sud de la France, mais c’est pareil, j’en ai vu des concerts electro et, à chaque fois, ça m’a saoulé. Je n’ai pas voulu le faire et ça n’a abouti à rien.

DSC_0267(C) PHOTO : JULIETTE POULAIN

Les Insouciants – Tu te disais trop vieux pour faire une carrière, mais lorsque tu as débuté dans la musique, tu avais pour projet d’en commencer une ?

Simon – Je ne pense pas. C’était juste faire de la musique pour la musique. C’est d’ailleurs pour ça qu’on a tout mis gratuitement sur Internet. On ne cherche pas à se vendre. Même se faire admirer pour la musique, c’était pas du tout ce qui nous importait.

Raphaël – C’était vraiment pour se faire plaisir.

Simon – C’était aussi pour exorciser des choses.

« J’ai l’impression qu’à partir de 40 ans, tu fais un peu plus ce que tu veux. Certes, tu crois moins en certaines choses, mais, en même temps, tu te fous un peu de ce que vont penser les gens. »

Simon

Les Insouciants – Tu avais déjà évoqué la crise de la quarantaine comme thème pour l’album Scraps of Metal, as-tu gardé cette idée en tête lorsque tu composais ?

Simon – A l’origine, il devait y avoir des paroles là-dessus. C’était censé parler des mecs de 40 ans qui enregistrent leur album de metal et qui se lâchent complètement, mais, finalement, ça fait vraiment sujet réservé aux quarantenaires. Trop cliché, on a laissé tomber. Ce n’est pas un sujet porteur.

Les Insouciants – Tu voulais évoquer le souvenir, la nostalgie ?

Simon – Mouais… Plutôt la liberté retrouvée, en fait. J’ai l’impression qu’à partir de 40 ans, tu fais un peu plus ce que tu veux. Certes, tu crois moins en certaines choses, mais, en même temps, tu te fous un peu de ce que vont penser les gens. Avant, on était plus dépendant. Par exemple, quand on a commencé à poster de la musique sur MySpace, on était devenu vachement dépendant du regard des autres. Tu postais ta musique, et plein de gens te disaient des trucs positifs. Tu te prends très vite pour un génie. Puis, tu te rends compte qu’ils mettent des choses positives sur ton profil pour que toi tu mettes des choses positives sur leur profil.

Les Insouciants – C’était le début des réseaux sociaux et donc le début des jeux de regard, le souci de l’apparence…

Simon – C’est exactement ça ! Et là, on s’en est libéré. Déjà, au début, on faisait de la musique pour se faire plaisir, mais, maintenant, c’est vraiment pour nous.

Les Insouciants – Tu ne fais pas de la musique dans le but de poster tes morceaux sur Internet ou pour réaliser des clips…

Simon – Non. Il y a eu quelques clips, réalisés par des ami(e)s. Mais pas plus. Ah, si ! Un morceau de #2 Orchestra a été utilisé par un papa américain pour illustrer la première nage de son enfant. C’était assez cool, ça m’a fait plaisir !

Les Insouciants – Sans la contrainte de la scène, des maisons de disque ou des musiciens trop sérieux, tu atteins presque une liberté totale dans ta musique. On retrouve cette liberté lorsque tu évoques tes 40 ans. Est-ce un tournant dans ton travail artistique ?

Raphaël – Il n’y a pas de coupure directe, en fait. Il n’y a pas de crise de la quarantaine à proprement parler. On a toujours été très libre sur ce qu’on faisait en musique. La seule différence c’est qu’avant, avec le début des réseaux sociaux, on se disait qu’on avait des choses à prouver. On était, certes, déjà libre de faire ce qu’on voulait mais je pense qu’aujourd’hui, on l’est encore plus. On part de ce qui nous plaît, sans idée préconçue, sans savoir à quoi s’attendre.

Simon – J’ajouterai qu’on court moins après les nouveautés. On revient vers des classiques et des trucs plus simples, musicalement. On cherche moins la complexité, on cherche moins à coller à la mode.

Les Insouciants – Quelles sont tes influences ?

Simon – Beaucoup de vieux trucs. Et des vagues musicales, comme le slow core, une musique très lente et très triste. Du coup, plein de groupes qui font partie de ce mouvement, comme Red House Painters ou Low. Ce sont des influences majeures pour moi. Dans les influences plus connues, il y a les Pixies, The Cure et Sonic Youth, qu’on adorait parce qu’ils appartenaient à une vague qui s’appelait la lo-fi. C’était des gens qui jouaient pas très bien, qui s’enregistraient chez eux avec un son tout pourri et ça nous allait parfaitement parce qu’on n’avait pas de matos, donc ça nous faisait une bonne excuse ! (rires) Et on savait pas très bien jouer non plus… Mais ça donnait une esthétique qui nous plaisait. Dans les classiques, je suis très fan de Neil Young, de Leonard Cohen aussi.

« Pour que ça marche, il y a toute une politique, il faut connaître un tel ou être bien vu par un tel. C’est vrai que ça, ça a été un peu une déception. J’aime bien le côté « débrouille-toi tout seul », le do it yourself comme disent les anglais. »

Simon

Les Insouciants – Ce sont des influences assez variées, que t’ont-elles apporté ?

Simon – Red House Painters, et le slow core en général, arrivaient à faire de la musique avec très peu d’effets, c’était plaisant. Neil Young, ce que j’aime bien, c’est qu’il fait ce qui lui plaît. Il a toujours fait des albums complètement différents. Leonard Cohen, c’est surtout les paroles. The Cure, c’est pareil, ils ont fait ce qu’ils voulaient, ils n’ont pas arrêté d’évoluer, et c’est pas de la musique très compliquée à jouer, en fait. C’est une question d’atmosphère, d’ambiance et de liberté artistique, c’est ça qui me plaisait beaucoup. Une certaine honnêteté dans les paroles, en particulier chez les Cure. On était vraiment super fans. Je les ai vus trois ou quatre fois en concert. Ce sont des gens qui me donnaient l’impression de se foutre de ce que les autres pensaient.

Les Insouciants – Ils ne dépendent pas de la société, ou du regard de la société, ils font ce qu’ils veulent.

Simon – Ou du moins, ils en donnent l’air. C’est le problème du rock indépendant. C’est un milieu qu’on a appris à connaître avec Raphaël. Pour que ça marche, il y a toute une politique, il faut connaître un tel ou être bien vu par un tel. C’est vrai que ça, ça a été un peu une déception. J’aime bien le côté « débrouille-toi tout seul », le « do it yourself » comme disent les anglais. C’est aussi pour ça que l’electro m’avait plu au départ, des gens qui étaient seuls derrière leur ordinateur. En concert, ça ne me parle pas, mais le fait qu’ils arrivent à créer des atmosphères avec un ordi parce qu’ils ne savent pas jouer d’un instrument, ou parce qu’ils n’ont pas de quoi enregistrer, je trouve ça bien.

Les Insouciants – Concernant ton processus de création, comment tu t’y prends ?

Simon – C’est compliqué. Au départ, les chansons étaient écrites avant. Mais ça vient le plus souvent d’improvisations. Le dernier album, c’était n’importe quoi parce que mon ami voulait faire des solos de guitare partout, tandis que moi je grattais dans mon coin. Puis, il disait « Ok ! On enregistre ! » et donc on enregistrait plus ou moins en improvisation. C’était l’horreur. J’avais cinq minutes pour trouver un riff le matin, et dès que j’en trouvais un, il me disait « Allez hop, c’est parti, on enregistre ! ». Mais tout dépend, ça peut nous prendre du temps. Quand on travaille, avec Raphaël, ça peut nous prendre beaucoup plus de temps pour créer et travailler les morceaux.

Les Insouciants – Tu écris les paroles et composes la musique en même temps ?

Simon – C’est toujours la musique qui vient en premier. Les paroles rentrent dessus si elles peuvent. Sinon, on ne fait que de la musique. Pour nous, le plus important, c’est l’atmosphère musicale.

DSC_0268(C) PHOTO : JULIETTE POULAIN

Les Insouciants – Depuis quand et pourquoi fais-tu de la musique ?

Simon – C’est une bonne question, ça… J’ai d’abord fait du violon, quand j’avais sept ou huit ans, et mes parents m’ont forcé à arrêter parce qu’ils n’en pouvaient plus ! (rires) Mon père faisait de la guitare et il écoutait beaucoup de musique, notamment des trucs biens comme Pink Floyd. Il était beaucoup dans la musique classique, dans le jazz, donc j’ai toujours vécu dans la musique. Et puis, la guitare, je sais pas d’où c’est venu… Ah si, c’est les Pixies ! En écoutant les Pixies, je me suis dit « Il faut que je sache faire de la guitare ». J’avais 13 ou 14 ans. Bon, après, c’est la même raison que la plupart des musiciens, tu veux plaire aux filles, tu te dis qu’avec une guitare ça va marcher… Parfois, ça marche pas ! (rires) Plus sérieusement, je me disais que c’était possible de faire de la musique, du rock, sans être un dieu de la guitare. J’ai appris la guitare tout seul avec les partitions de l’album Wish des Cure. Ça m’allait très bien, tu n’as besoin que de deux doigts pour jouer la plupart des morceaux !

Les Insouciants – Tu donnes l’impression d’avoir besoin d’extérioriser, de communiquer à travers la musique. Mais, paradoxalement, tu ne montes pas sur scène…

Simon – Oui, c’est compliqué ! Envie d’extérioriser mais pas forcément d’être entendu, je ne ressens pas l’envie d’être en face à face… C’est aussi l’une des raisons pour lesquelles on a fait si peu de concerts, notre musique est très personnelle, et ça vient vraiment de la mélancolie. J’ai remarqué que la mélancolie menait à la création.

Les Insouciants – Es-tu influencé par autre chose que la musique ?

Simon – Il y a beaucoup de décors qui m’inspirent, qu’ils soient réels ou imaginaires. L’Angleterre, par exemple. Les tableaux d’Hopper. Des films, aussi, ceux de David Lynch, par exemple, ou bien les films avec les grands espaces américains, ça me faisait rêver… Pour Death By Shipwreck, c’est le nom qui nous a inspirés. L’idée de bateau, de mer. En plus, on a enregistré chez notre ami avec vue sur le lac Léman, les montagnes derrière, le décor suisse.

Les Insouciants – Est-ce que vous vous êtres fixés quelque chose, un objectif à atteindre avec Death By Shipwreck ?

Simon – Quand je suis seul, j’ai l’habitude de jouer de la guitare acoustique plutôt qu’électrique. De son côté, Jean-Philippe a pour idole Steve Vai, un guitariste qui joue à 10.000km/h ! Death By Shipwreck est une tentative, voir comment on peut faire de la musique ensemble, confronter deux univers vraiment opposés.

« On garde toujours en tête l’idée de ne pas arriver avec quelque chose de préconçu. Ne pas arriver avec un brouillon ou une structure. Tu arrives et tu attrapes un moment précis. Toute notre musique part de quelque chose de spontané. »

Raphaël

Les Insouciants – On a évoqué Death By Shipwreck, la Suisse, Jean-Philippe le guitar hero, mais Raphaël et toi témoignez aussi d’une certaine complémentarité…

Raphaël – Tu nous mets séparément à faire de la musique, chacun de notre côté, on va y arriver. Mais tu nous mets ensemble et ça part tout seul. L’un et l’autre on arrive à s’inspirer. On passe notre temps à se demander « T’as fait de la musique de ton côté ? Ouais, moi aussi, bon quand est-ce qu’on en refait ensemble ? ». Depuis 22 ans, il y a une complémentarité qui s’est faite presque immédiatement. Les premiers albums qu’on a enregistrés ensemble, c’était en deux jours, ça coulait de source. On arrive à se compléter, et ça se fait de manière naturelle. Je pourrais même pas expliquer pourquoi, ni comment. On se dit ça c’est bien, ça c’est pas bien, tiens on rajoute ça, on enlève ça et on arrive à construire des choses ensemble.

Les Insouciants – Comment parvenez-vous à combiner ce que vous apportez tous les deux pour créer un morceau ?

Raphaël – Il n’y a jamais un morceau qui est prêt. On arrive, je trouve un truc sur l’ordi ou au synthé, on part de ça et on voit comment ça se développe. Il y a un truc qui fonctionne vraiment bien : Simon donne une totale liberté d’improvisation. Pour #2 Orchestra, certains morceaux sont juste partis d’un sample. Il part d’un sample et il rajoute des choses petit à petit. Pour Death By Shipwreck, ça peut partir d’un simple riff. On garde toujours en tête l’idée de ne pas arriver avec quelque chose de préconçu. Ne pas arriver avec un brouillon ou une structure. Tu arrives et tu attrapes un moment précis. Toute notre musique part de quelque chose de spontané.

Simon – Pour Death By Shipwreck, ça peut être un peu plus carré lorsque je travaille avec Jean-Philippe.

Raphaël – Parfois, avec Simon, on imagine qu’on va faire un truc bien bourrin, et on finit avec un morceau acoustique. Tout l’inverse de ce à quoi on s’attendait ! Avec lui, ça part d’un instant précis et après on voit ce que l’on fait. Simon est très doué pour réussir à donner forme à cet instant précis. Musicalement, il part en impro, puis, il va construire au fur et à mesure. Son processus de création a toujours fonctionné comme ça.

Simon – C’est peut-être pour ça, aussi, qu’on n’a jamais réussi à constituer un groupe de scène. Je ne sais pas si on arriverait à avoir cette complémentarité avec d’autres musiciens. Mais ce que j’aime bien dans la musique, c’est que chacun amène un truc différent. Et c’est chiant quand tu suis quelque chose qui est déjà pré-écrit. C’est aussi pour ça que je préfère faire de la musique avec des gens que tout seul.

Les Insouciants – Et comment envisages-tu la suite de ton aventure musicale ?

Simon – On va déjà essayer de faire quelque chose cet été. Peut-être écrire quelques paroles. Mais le problème avec la crise des 40 ans, c’est que je ne veux plus faire des paroles totalement rebelles et révoltées. On veut éviter le ridicule mais pas non plus faire des chansons déprimantes parce qu’on a 40 ans. On est devenu exigeants en terme de paroles. A chaque fois qu’on arrive au moment des paroles, on se demande de quoi on pourrait bien parler. Tu ne crois plus que tu vas changer le monde avec une chanson ou que tout le monde va t’admirer parce que ta chanson plaît. Et une fois que c’est fait, que la chanson est composée, je n’y trouve plus vraiment d’intérêt. J’ai besoin, à nouveau, de créer.

Raphaël – C’est une sorte de moteur.

Simon – Mais pas tout le temps. Je ressens le besoin de créer sur un instant précis, comme on l’évoquait tout à l’heure, en ressentant une émotion particulière.

Écoutez Death By Shipwreck sur Jamendo 

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(c) TOUTES LES PHOTOS : JULIETTE POULAIN POUR LES INSOUCIANTS

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